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Jean Lorrain, pseudonyme de Paul Alexandre Martin Duval, est un écrivain français à très forte tendance parnassienne, né le à Fécamp, en Haute-Normandie, et mort le dans le 17e arrondissement de Paris[1].
Jean Lorrain
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Monsieur de Phocas |
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Dandy sybarite, ouvertement homosexuel, amateur de drogues, Jean Lorrain est l'un des écrivains scandaleux de la Belle Époque, au même titre que d'autres auteurs « fin de siècle » comme Rachilde, Hugues RebelletFabrice Delphi. Ses œuvres peuvent être rapprochées de la littérature dite « décadente ».
Fils d'Amable Duval, armateur, et de sa femme née Pauline Mulat, Paul Duval fait ses études au lycée du Prince impérial à Vanves (1864-1869) puis comme interne chez les dominicains d'Arcueil au collège Albert-le-Grand (1869). C'est alors qu'il compose ses premiers vers.
En 1873, il rencontre Judith Gautier lors de vacances à Fécamp : elle s'intéresse assez peu à lui, mais le subjugue littéralement. En 1875, il est volontaire au 12e hussards, à Saint-Germain-en-Laye et à Rocquencourt. Il commence des études de droit à Paris en 1876, mais les abandonne en 1878 et commence à fréquenter les salles de rédaction et les cafés, ainsi que la bohème qui gravite autour de Rodolphe Salis et du cabaret du Chat noir, où il rencontre les Hydropathes et les Zutistes, Jean Moréas, Maurice Rollinat, Jean Richepin, Émile Goudeau, et d'autres auteurs et artistes de ce milieu. En 1880, il éprouve ses premières crises de spasmophilie cardiaque et s'installe définitivement à Paris, logeant dans des meublés à Montmartre. Il adopte le pseudonyme de Jean Lorrain, seule condition pour écrire tout en continuant à recevoir un soutien financier de la part de son père[2]. Sa mère pointe une épingle au hasard sur une page de dictionnaire, désignant le mot « lorrain », et approuve cette trouvaille pour son côté « simple, sonore, solide »[3].
En 1882, il publie à compte d'auteur, chez l'éditeur Alphonse Lemerre, son premier recueil de poèmes, Le Sang des dieux, et collabore à des revues comme Le Chat noirouLe Décadent. En 1883, il publie un nouveau recueil de poésies, La Forêt bleue, et fréquente le salon de Charles Buet, où il rencontre Jules Barbey d'Aurevilly, Joris-Karl Huysmans, François Coppée, Léon Bloy, Laurent Tailhade…
En 1884, il commence à collaborer au Courrier français dans lequel il publie une série de portraits, dont l'un de Rachilde, qui marque le début de l'amitié entre les deux auteurs. L'année suivante, il publie un nouveau recueil de poèmes, Modernités, et son premier roman, Les Lépillier, qui scandalise sa ville natale de Fécamp. Il rencontre Edmond de Goncourt, avec qui il restera lié jusqu'à la mort de ce dernier en 1896, et qui fut son principal protecteur.
Lorrain se crée un personnage, avec une volonté affichée de provoquer le scandale. Corseté, fardé, drogué, déguisé et/ou travesti, il fait de sa vie comme de son apparence une œuvre d'art et une provocation, celle d'un « dandy de la fange », qui fréquente à la fois les salons du Tout-Paris et les marlous des mauvais quartiers. Il affiche avec tapage, sous le surnom d'« Enfilanthrope », son homosexualité et son goût pour les lutteurs de foire, n'hésitant pas à paraître au bal des Quat'z'Arts en maillot rose avec le caleçon en peau de panthère de son ami, le lutteur Marseille. Il se veut esthèteetdandy en même temps qu'explorateur tapageux du vice et de la vulgarité, curieux assemblage qui verse souvent dans le pire mauvais goût, et qui lui vaut le mépris hautain de Robert de Montesquiou, dont Lorrain, pour sa part, fait volontiers sa tête de Turc pour sa prétention à l'élégance et à la chasteté. « Lorrain », écrit Léon Daudet dans ses Souvenirs, « avait une tête poupine et large à la fois de coiffeur vicieux, les cheveux partagés par une raie parfumée au patchouli, des yeux globuleux, ébahis et avides, de grosses lèvres qui jutaient, giclaient et coulaient pendant son discours. Son torse était bombé comme le bréchet de certains oiseaux charognards. Lui se nourrissait avidement de toutes les calomnies et immondices »[4]. Il fréquente à la fois le Paris raffiné et le Paris canaille, la nuit parisienne étant pour lui « le laboratoire des expériences défiant l'ordre moral de la bourgeoisie dominante »[5].
Son père meurt en 1886. Il rencontre Sarah Bernhardt, pour qui il écrira sans succès quelques pièces de théâtre, et publie son deuxième roman, Très Russe. Cette publication a failli provoquer un duel avec Guy de Maupassant, son camarade d'enfance, détesté, qui a cru se reconnaître dans le personnage de Beaufrilan. Il publie des articles dans La Vie moderne et amorce une collaboration avec L'Évènement (1887) et L'Écho de Paris en 1888.
En 1891, son recueil de nouvelles Sonyeuse lui vaut son premier succès de librairie. En 1892, il fait un voyage en Espagne et en Algérie. Sa mère le rejoint à Auteuil et restera près de lui jusqu'à sa mort. L'année suivante, il rencontre Yvette Guilbert, pour qui il compose quelques chansons, mais qui le tiendra à distance. Le docteur Pozzi l'opère de neuf ulcérations à l'intestin, consécutives à l'absorption d'éther.
Il rencontre en 1894 Liane de Pougy, qu'il aidera à se hisser au premier rang de la galanterie. À partir d', il collabore au Journal, où il publie ses « Pall-Mall Semaine », devenant l'un des chroniqueurs les mieux payés de Paris. Ses chroniques au vitriol sont goûtées autant que redoutées. Il y attaque ainsi Montesquiou et ses écrits, mais aussi Proust, protégé de Monstesquiou, et Gabriel Yturri, son amant, notamment dans le journal du , où il fait le jeu de mots « Mort, Yturri te salue, tante »[6]. Jeu de mots souvent daté, à tort, à la mort d'Yturri en 1905 : Lorrain rend amicalement visite à Yturri cette année et Montesquiou se raccommode avec lui dans une lettre du Chancelier de Fleurs[7].
En 1896, il figure sur la liste des membres de la première Académie Goncourt.
En 1897, la critique salue son roman Monsieur de Bougrelon comme un chef-d'œuvre. Le , il se bat en duel avec Marcel Proust, à Meudon, après une critique violente des Plaisirs et les Jours. Il effectue en 1898 son premier voyage à Venise où il retournera en 1901 et 1904. En 1900, Jean Lorrain s'installe sur la côte d'Azur et, en 1901, publie son œuvre maîtresse, Monsieur de Phocas.
Le journalisme fut pour lui un moyen de vivre. À la fois critique d'art et reporter de la vie parisienne, il excelle à dépeindre la débauche du monde, avec un esprit caustique, ironique et vénéneux, marqué par sa misanthropie et son penchant pour l'anarchie. Craint par tous, il se veut souverainement libre, vouant un culte particulier à Gustave Moreau, Odilon Redon, Donatien Alphonse François de Sade, Edgar Allan PoeetCharles Baudelaire, mais étant haï par ceux qu'il prend pour cibles : Émile Zola, Maupassant, Octave Mirbeau, Robert de Montesquiou et le jeune Proust. Ses articles, ses contes, ses chroniques déploient un véritable « bottin des vices parisiens […] Voici un débauché consterné par la débauche du monde »[8]. La plupart de ses textes, à la forme narrative fragmentée et à la langue personnelle et subtile, riche en métaphores parfois fulgurantes, mêlent éléments autobiographiques, chronique mondaine et éléments du conte ou de la fable.
En 1903, il est mis en cause dans l'affaire Adelswärd-Fersen[9] puis dans l'affaire Greuling[10] pour ses fréquentations des inculpés. Dans les deux cas, ses écrits sont incriminés, en marge des procès, pour dégradation de la moralité et incitation au crime. En 1904, pour payer la très lourde amende à laquelle il a été condamné à la suite du procès perdu contre la peintre Jeanne Jacquemin, il publie La Maison Philibert qui met en scène deux tenanciers de bordel.
Sa santé se dégrade sous l'effet de l'abus des drogues – l'éther en particulier – et de la syphilis. Les Contes d'un buveur d'éther sont un témoignage saisissant de ses abus, de sa recherche de l'excitation physique et des paradis artificiels. Une des pires apparitions dans ce recueil de délires cérébraux est incarnée par le monstre de l'éther, dans le texte intitulé Une Nuit trouble : « Dans un brusque déploiement d’ailes un être accroupi dans l’ombre se redressait tout à coup et reculait en ouvrant démesurément un hideux bec à goitre, un bec membraneux de chimérique cormoran ; à mon tour je reculais ? Quelle était cette bête ? À quelle race appartenait-elle ? Hideuse et fantomatique, avec son ventre énorme et comme bouffi de graisse, elle sautelait maintenant dans le foyer, piétinant çà et là sur de longues cuisses grêles et grenues aux pattes palmées, comme celles d’un canard, et, avec des cris d’enfants peureux, elle se rencognait dans les angles, où ses grandes ailes de chauve-souris s’entrechoquaient avec un bruit de choses flasques. Effrayée et menaçante, elle dardait affreusement un œil rond de vautour, et, dans un recul de tout son corps, tendait vers moi le tranchant de son bec effilé comme un poignard »[11]. Ce genre d'apparitions troublantes montrent à quel point le masque est la clé de la personnalité de Jean Lorrain, comme de son œuvre ; c'est ainsi qu'il écrit dans un vers, qu'il attribue à un « poète moderne », et qu'il reprend dans son roman Monsieur de Phocas : « Et l'enchanteur est mort de son enchantement »[12].
Il voyage et effectue plusieurs cures à Peïra-Cava, Le BoréonetChâtel-Guyon, ce qui sera l'occasion pour lui de peindre avec vigueur les ridicules du tourisme thermal, alors en pleine expansion. Il passe les dernières années de sa vie avec sa mère, sur la Côte d'Azur, dans un climat plus favorable à son état physique. Il y écrit une multitude de romans et nouvelles, qui croquent désormais la faune aristocratique de la Riviera.
Le, lors d'une consultation pour une péritonite auprès des professeurs Le Dentu, PozzietAlbert Robin, un bulletin est émis concernant le patient : « État très grave. Toute opération est jugée impossible ». Jean Lorrain meurt le même jour à onze heures et demie du soir. Le cercueil est transporté à l'église Saint-Ferdinand où les obsèques ont lieu le , l'inhumation est faite à Fécamp[13].
Présenté par ordre de parution original :
Il existe de nombreuses représentations de Jean Lorrain exécutées de son vivant :
Des dessins et caricatures par Ferdinand Bac, Maurice Delcourt, Ernest La Jeunesse, Mich, Sem, Pal, André Rouveyre, Félix Vallotton...
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