De jure, si les Moldaves (quelle que soit leur appartenance linguistique et culturelle) s'en tenaient à une stricte interprétation de l'article 13 de la constitution de leur république, la « culture moldave » ne devrait concerner que les autochtones de la Bessarabie et de l'actuelle république, à l'exclusion de tout autre. Mais, les législateurs le savent, la culture est un phénomène difficile à encadrer juridiquement, elle ne cesse d'échanger, d'innover, de se réinventer.
Enfin la liberté culturelle acquise depuis 1988 a aussi ouvert les portes aux influences extérieures plus récentes et plus internationales, de sorte que beaucoup de créateurs, œuvrant dans plusieurs cultures, sont en train, petit à petit, de forger une culture moldave plus éclectique et multiculturelle.
Tradition est-européenne pré-chrétienne, le Mărțișor s'offre aux dames le 1er mars (début traditionnel du printemps) ou le 8 mars (jour des droits de la femme).
La culture traditionnelle moldave puise à trois racines principales[1] :
les racines latines qui sont présentes dans la langue romane et dans la construction identitaire de la nation moldave ;
les racines ruralesetpastorales, héritées des ancêtres Daces latinisés, toujours très présentes dans la société actuelle et qui ont longtemps été magnifiées par la culture savante, sous tous les régimes, même soviétique ;
les racines orientales, partagées les cultures voisines roumaineetukrainienne, qui se manifestent par la religion chrétienne orthodoxe, l'héritage byzantinetslave présent dans l'architecture ancienne et l'écriture médiévale, la cuisine, de nombreuses coutumes, les rythmes de vie, la structure sociale.
À cette culture traditionnelle se sont ajoutées, à partir du début du XIXe siècle, trois importantes influences :
la russe, venue à partir de 1812 lorsque le pays a été annexé par l'empire des Tzars, et qui s'est manifestée de deux manières : l'une perçue par les Moldaves comme positive avec les échanges littéraires, musicaux ou philosophiques, et l'autre de manière très négative, avec la russification (la langue locale étant interdite dans l'administration en 1828, dans les écoles en 1866 et dans les cultes en 1871[2]) ;
l'attraction et finalement la fascination de la culture savante occidentale, influence liée à l'essor de la littérature, des arts, des sciences et des techniques des deux derniers siècles, et fascination que le demi-siècle de dictatures se succédant durant la seconde moitié du XXe siècle n'a fait qu'exacerber, en tentant de la juguler ;
Aujourd'hui, la culture traditionnelle et la culture savante sont toujours là, mais à côté se développent plusieurs formes nouvelles de culture populaire, comme dans d'autres pays, certaines puisant aux racines anciennes, d'autres d'inspiration complètement différente (par exemple, les Roms développent des styles architecturaux et musicaux propres qui puisent tant du côté de leurs propres traditions que du côté de Bollywood, du rap, du hip-hop et du raï, et ces styles diffusent largement au-delà de leur communauté).
Enfin, alors que durant un demi-siècle de dictatures et de pénurie les Moldaves n'ont eu le droit de se plaindre de rien et ont dû afficher une unanime camaraderie, depuis l'indépendance ils ne cessent, à travers le média, de se plaindre de tout, et cette liberté fait désormais partie inhérente de la culture moldave.
La latinité des Moldaves était un cas unique dans l'ancienne Union soviétique. Sa tradition viticole aussi. Cela formait aux yeux des Soviétique l'image originale d'un « pays un peu italien » au sein de l'Union, qui elle, était à dominante slave. Quoi qu'il en soit, la Moldavie se situe bien au carrefour de l'Europe orientale à laquelle elle appartient par sa situation géographique, de l'Europe centrale à laquelle elle appartient par l'influence hongroise médiévale (Chişinău signifie « petite source » : Kis-Jenőenmagyar, Orhei « ville fortifiée » : Várhély), et surtout des Balkans, c'est-à-dire de l'Europe méridionale, à laquelle elle appartient par sa langue romane, sa cuisine, son folklore, son histoire et ses traditions. Par ailleurs, depuis l'époque des "Lumières", la Moldavie a subi une très forte influence occidentale et notamment française, combattue, à l'époque où le pays fut une partie de l'Empire russe (1812-1917) par les partisans de l'« autochtonisme orthodoxe » et du panslavisme. À peu près 8 % de la population roumanophone comprend et parle le français, et le pays fait partie de l'Organisation internationale de la francophonie. Avant 1989, à peu près tous les Moldaves ayant dépassé l'école primaire, comprenaient et parlaient le français, en partie grâce à l'héritage latin commun aux deux langues, mais surtout grâce à la francophilie héritée de l'influence des LumièresauXVIIIe siècle, qui entretenait en Moldavie l'image d'une France idéalisée et tutélaire.
Après leur indépendance en 1991, les Moldaves découvrent la France réelle, qui ignore souvent jusqu'à leur existence et aux yeux de laquelle leur pays, lorsqu'il est connu, n'est plus une « petite sœur des Balkans », mais une sorte de Syldavie[3] quelque peu sordide (leconflit avec la Russie de 1992 et l'expatriation des jeunes femmes Moldaves trompées par des délinquants sans scrupules occupent l'espace médiatique). Une Syldavie suspecte, qui plus est de fascisme, de xénophobie et d'antisémitisme atavique[4]. Mortifiés par cette image de leur pays en France, de nombreux Moldaves se tournent vers d'autres horizons culturels, et le français est depuis lors en perte de vitesse. De plus, auprès de jeunes, l'omniprésence de l'anglais, notamment dans le monde économique, et l'absence des productions en français à la télévision jouent un rôle tout aussi important.
Près de 98 % des habitants de la Moldavie, toutes origines confondues, se disent de tradition orthodoxe, et 1 % juive. Mais la pratique est faible, sauf pour les fêtes traditionnelles. Deux Églises, la roumaineetla russe, quadrillent le territoire : les évêques et les popes peuvent être dans l'obédience de l'une ou de l'autre (et certains changent parfois d'obédience). La tradition orthodoxe moldave, comme la grecque, a une forte composante monastique. De grands monastères, ruinés à l'époque soviétique et aujourd'hui restaurés, ont été avant 1940 à la fois de riches propriétaires terriens, des grands crus vinicoles, des bibliothèques et des écoles, notamment ceux de Butuceni, Căpriana ou Rudi. Comme dans les pays voisins, l'Église orthodoxe a fait un retour en force depuis la chute du communisme, avec des émissions à la radio et la télévision, des cours de religion à l'école publique et des tarifs fort élevés pour les baptêmes, les mariages et les funérailles religieuses. C'est pourquoi le clergé est l'objet de nombreux sarcasmes (l'une des blagues les plus en vogue est que les trois principales qualités pour être pope sont « d'avoir une belle voix, de savoir bien compter et de ne pas craindre Dieu »). Un mouvement religieux orthodoxe alternatif s'est développé en retour : celui de pravoslavnici (ou « croyants sincères »).
Grigore Ureche (1590-1646), chroniqueur moldave, Letopisețul Țării Moldovei (Chronique du pays de Moldavie)
Miron Costin (1633-1691), riche boyard moldave, chroniqueur, politique, Letopiseţul Ţărâi Moldovei [de la Aron Vodă încoace] (Les Chroniques du pays de Moldavie)
Nicolae Milescu (1636-1708), boyard, gréco-moldave orthodoxe, érudit, diplomate, Grand Livre des souverains (Tsarski tituliarnik), Livre de la Sibylle, Voyage à travers la Sibérie jusqu'aux frontières de la Chine, Notes de voyage, Description de la Chine
Ion Neculce (1672-1745), chroniqueur, continuateur de Miron Costin, écrit également un livre d'histoire de la Moldavie
Dimitrie Cantemir (1673-1723), encyclopédiste, compositeur, écrivain polygraphe, souverain moldave, publie en latin une description de la Moldavie, une Histoire de l'empire ottoman, une histoire du pays roumain (Țara romanească) et une Descriptio Moldaviae (1714). Il a écrit aussi des œuvres de fiction comme Histoire hiéroglyphique (1705, Constantinople). Mais aussi Divan ou la Dispute du sage avec le monde ou le Jugement de l’âme avec le corps (1698, en roumain), Livre de la science de la musique (en turc), Système de la religion mouhammédane (1722, en russe).
Gavril Bănulescu-Bodoni(en) (1746-1821), métropolite, administrateur (de Bessarabie), traducteur, éditezur, imprimeur...
Vasile Alecsandri (1821-1890), dramaturge, politique, Dorințele partidei naționale din Moldova (Les souhaits du Parti national de Moldavie), collecteur de textes et de traditions
Ion Creangă (1837-1889), diacre, instituteur, conteur, autobiographe
Iulian Ciocan(ro) (1968-), prosateur, journaliste, critique littéraire, Dama de cupa (2018, L'Empire de Nistor Polobok), Et demain les Russes seront là (2015)
La musique moldave est une douce et agréable alchimie entre les différentes cultures qui l'ont influencée. Ainsi la musique grecque, hongroise, slave, turque et occidentale se retrouvent dans les chansons, que celles-ci soient anciennes ou récentes. Inversement, la musique moldave a influencé celle des maîtres du pays, et on la retrouve chez des compositeurs russes comme Tchaïkovski.
La musique traditionnelle, encore très présente en Moldavie, comporte deux styles :
la musique populaire, dite folklorique, faite de chansons, de danses, de musiques festives ;
les colinde, à thème religieux ou historique, invocations, souhaits, prières, mais qui restent laïques, et très différentes de la musique religieuse, savante et byzantine.
Les arts mineurs de scène, arts de la rue, arts forains, cirque, théâtre de rue, spectacles de rue, arts pluridisciplinaires, performances manquent encore de documentation pour le pays…
Vadim Derbenev (1934) : Voyage en avril (1962), Le Dernier Mois de l'automne (1965), Les Chevaliers des rêves (1968), La Ballerine (1969), Spartacus (1974), Ivan le Terrible (1977)
Valeriu Gagiu (1938-2010) : Grains amers (1966), Dix hivers en un seul été (1969), L'Explosion à retardement (1970), Le Dernier Haïdouk (1972), La Longueur du jour (1974), Sur la trace du loup (1976), Un homme à vos côtés (1977), Où es-tu l'amour ? (1980)
Alexandre Gordon (1931-) : La Dernière Nuit au paradis (1964), Sergueï Lazo (1967)
Vadim Lyssenko (1933) : Derrière la ville (1960), L'Envol des cigognes (1964), Grains amers (1966), La dernière année de l'aigle (1977)
Vasile Pascaru (1937) : Marianna (1967), Cette nuit-là.... (1969), Le Risque (1970), La Tempête rouge (1971), Les Ponts (1972), Les hommes grisonnent vite (1974), Personne à ta place (1976), La Grande Petite Guerre (1980)
↑Arkady Joukovsky, « Relations culturelles entre l'Ukraine et la Moldavie au XVIIe siècle », Revue des études slaves, no 49, , p. 217-230 (lire en ligne, consulté le ).