Diomède dévoré par ses chevaux est le nom de trois tableaux du peintre français Gustave Moreau. La première version, à l'huile sur toile, est réalisée en 1865 pour le musée des Beaux-Arts de Rouen. Une version différente a l'aquarelle est peinte l'année suivante, puis une troisième, à l'huile sur toile, en 1870. Par ailleurs, Moreau a réalisé de nombreux croquis préparatoires.
Gustave Moreau réalise de nombreux croquis préparatoires à travers des petits dessins souvent très poussés, dont une étude de crânes[1], et une étude de cheval de profil à droite[2].
Il considère la première version de 1865 comme peu réussie, puisqu'il écrit dans sa lettre au conservateur du musée des Beaux-Arts de Rouen« j’aurais désiré, monsieur, pouvoir répondre à votre appel d’une façon plus satisfaisante, en vous adressant une toile plus importante et plus réussie »[3].
La toile présente en arrière-plan le héros Hercule assis devant des colonnes de style corinthien, assistant (au premier plan) à la mort du roi Diomède dévoré par ses chevaux[4]. D'après Maxime Du Camp, « l'écurie de Diomède est une sorte de cirque entouré d'une haute muraille d'où s'élancent de fortes colonnes qui donnent à toute l'ordonnance un aspect d'imposante sévérité »[5]. Il ajoute que les chevaux « se sont rués sur leur maître, l'ont saisi par le bras, par le cou, le tiennent entre leurs terribles mâchoires suspendu en l'air et commencent leur sanglant repas ; çà et là quelques cadavres blancs comme de l'ivoire servent de pâture à des vautours chenus »[5]. Ces chevaux sont « exagérés dans leurs formes trop accentuées, ainsi qu'il convient à des animaux fabuleux, avec leur cou énorme, leurs larges joues, leurs naseaux froncés, leur sabot violent, leurs membres charnus »[5].
Maxime Du Camp décrit que « Diomède, un peu trop sec de contours peut-être, laisse éclater sur son pâle visage une terreur grimaçante et désespérée. Tout le fond de la composition, tenu dans l'ombre, ombre à la fois transparente et puissante, fait ressortir les blancheurs très habiles des premiers plans. Depuis le ton gris-perle très clair du premier cheval jusqu'aux nuances blafardes des cadavres, l'harmonie est parfaitement complétée par les couleurs chair de Diomède et le plumage blanc des vautours »[5].
Hercule est simplement assis dans un coin sur la muraille, il n'agit pas, mais regarde la scène[6].
L'enseignante-chercheuse en sciences de l'art Cécile Croce décrit l'écurie comme « grave et brune, sordide, humide », jonchée de restes humains piétinés au sol par les chevaux furieux[7]. Le roi Diomède apparaît immobilisé dans une draperie rouge complexe, qui le fait ressembler à « une plaie ouverte, hurlante, fleur d'une douleur travaillée »[7].
De façon générale, le tableau s'inscrit dans la lignée des peintures de la Renaissance, inspirées des mythes, et en particulier de Michel-Ange pour les personnages humains, et de Léonard de Vinci pour les chevaux[3]. D'après Christine Peltre, Gustave Moreau semble aussi s'être inspiré du cheval oriental pour représenter les coursiers de Diomède, puisque leur harnachement rappelle celui d'un cheval arabe[4]. Pour Maxime Du Camp, ces chevaux « semblent être les aïeux antédiluviens des admirables chevaux qui marchent pacifiquement sur la frise du Parthénon »
L'architecture du premier tableau est clairement inspirée de celle des dessins de Piranèse[3], « tant [elle] y a d'ampleur et d'importance »[5].
D'après Maxime Du Camp, Gustave Moreau a placé Hercule dans un coin du tableau au sommet d'une muraille pour le présenter comme un juge, et non comme un bourreau : « le doux héros qu'on invoquait comme protecteur des routes, n'a plus à se mêler à ce châtiment mérité. Il a jeté la bête brute aux animaux féroces, sa mission est accomplie, et il ne reste là que comme témoin pour être bien certain que le coupable n'échappera pas »[6]. Le musée des Beaux-Arts de Rouen note aussi une « distanciation prise par rapport au crime »[3].
Le sens de la peinture est difficile à interpréter, en effet Moreau y exprime une conception toute personnelle du mythe, des idées « sorties tout droit de ses rêves avec un langage qui se veut universel »[3]. Jean-Roger Soubiran propose une lecture psychanalytique du tableau, dans lequel il voit une représentation de l'angoisse de dévoration, de morcellement et de castration[10].